On l'a fait monter dans un van,
Piqué, frappé parfois, durement,
A l'électricité, c'est le plus pratique,
On dit que son éleveur pleurait...
Lorsqu'il entendit la musique,
Ces fons flons absurdes si mi la ré, cet air,
En deux temps, pom pom lalère,
Les lampions, de la musique militaire
Qui comme chacun sait, sonne clair
Et est à la musique... passons
De l'air qui entraîne, au clairon,
Les pauvres chevaux vers le précipice,
Les tanks, les FM, les avions...
Mais le toro ne sait rien du supplice,
Car lui n'est pas un homme, un animal,
Une bête de combat sotte et cruelle
Tuant juste pour le plaisir, le jeu,
Ou faisant se tuer, se torturer entre elles,
Deux proies, c'est encore mieux,
Non, lui n'est pas dressé pour...
Foncer sur un tank fleur à la boutonnière,
Au rythme du tambour,
Ou de la cornemuse... sans regarder derrière !
Ca ne l'amuse pas vraiment,
Et pour tout dire, il a peur,
Lui ! Il ne sait pas qu'un macho
Doit rouler les mécaniques haut
Oui, haut les coeurs !
Viennent les piques, la douleur
Mais le cheval, pourtant, le bon cheval,
Son copain d'habitude, dans le pré
Paisible et doux, paissant à ses cotés...
Que se passe-t-il ? Il se passe... le mal !
Le mal humain, qu'il ne sait pas...
Adieu Meuse endormeuse et douce à mon enfance
Un coup de lance plus violent, cette lance
Qui prolonge son ami, le cheval...
Pourquoi le trahit-il ? Il meugle de désespoir
Mon frère, mon ami, tu me blesses...
De la mélancolie le soleil noir
Soudain s'abaisse.
Il supplie simplement : ramène moi au toril !
Voyons, tu le fais tous les soirs,
Promis, je te suivrai, je ne suis pas cruel,
Même si parfois je renâcle un peu...
Tu sais, c'est juste un jeu...
Pour frimer devant les femelles,
Ramène moi s'il te plaît, et surtout quitte
Cette chose. Plus jamais, c'est promis...
Et le cheval le laisse enfin, sa colère finie.
Mais voilà un illuminé qui s'agite...
Avec un tissu rouge sang comme mon dos.
Que me veut-on encore à la fin ?
Cet idiot se tortille, roule de la taille...
Des reins. Et ces bêtes qui braillent...
Qu'est-ce que c'est que des fous en rut ?
Que faut-il faire ? L'ignorer ? Jouer avec lui ?
On dirait qu'il le veut. Bon, s'il n'a que ce but...
Il agite son truc. C'est un peu imbécile d'accord …
Mais je veux bien… Pour lui plaire puisqu'il sautille.
Et après on y retourne. Mais que se passe-t-il encore ?
Il m'a fait mal, cet abruti avec ce bâton qui me vrille
C'est comme lorsque l'homme à cheval,
Mais où est-il ? Comme je le voudrais, à présent
M'avait blessé. J'avais eu des grains délicieux.
Ca ne va pas tarder, c'est sûr, mais que j'ai mal !
Et ça recommence. Non, là, ça ne se peut...
C'est horrible, je vais me venger...
Pourquoi m'ont-ils abandonné,
L'homme à cheval, celui aux grains, du petit gourg
A l'odeur de pervenche. Qu'est ce qui coule de moi ?
Pourquoi n'y vois je plus ? Et mes cornes si lourdes ?
Et dans mes pattes soudain, ce frisson si froid ?
Pourquoi ce sentiment de partir ? Comme s'allume
Doucement un feu glacé. La douleur est moindre c'est vrai,
Je suis revenu chez moi... Mes prés, les chiens
Mes chevaux... encore une fois foncer, juste une...
Si j'ai la force... Mais peut-être... peut-être bien,
C'est ça ! dois-je tuer cette bête ? Aucune,
Aucune autre ne m'avait tant fait de mal.
Encore un coup, c'est ça, mais cette fois bien visé !
Et ce sera fini ! Enfin, mes prés...
Juste vers la cuisse, là ça se peut. Fatal.
Ca doit être ce qu'ils attendent sur leur falaise...
Et qui les fait meugler... C'était ça ! ils se taisent
En effet quand l'animal qui pique s'envole et s'abat !
Je le retiens par mes cornes, cette fois, il est à moi !
Allons je l'ai tué, on y retourne à la fin ? Mais les voilà...
Qui courent, me le prennent soudain. Il faudrait savoir à la fin.
C'est encore un jeu ? Mais deux soubresauts et plus rien,
Jugulaire jaillissant. C'était bien cela qu'il fallait faire ?
Mais cette lame cachée, dure et claire...
Enfoncée perdue dans ma douleur ? Et ce sang sur mon râble,
Bouillonnant dans mes narines comme celui qui ne bouge plus,
Affalé, misérable. Le noir qui tombe et le bruit qui s'est tu
Sur leurs cris silencieux ? A travers une brume lourde de sable,
Leurs grimaces de bêtes, mains levées, leur douleur éperdue et
Éphémère ! virage de plus en plus rapides, la falaise levée
Me regarde partir, existences infimes, pour cette fois
Repues... d'espace, de souffrance et de joie.
Islero
___________________________________________________